Les élections libres et pluralistes ont effectivement eu lieu le 27 Juin, comme prévu. Sur un plan formel, on peut dire que le « général » Sékouba KONATE a tenu parole. Mises à part l'impréparation manifeste et l'inexpérience évidente qu'on ne peut lui imputer, les élections ont été libres et pluralistes, c'est-à-dire la participation de plusieurs candidats qui se sont librement déplacés sur l'ensemble du territoire. Ce n'était pas une faveur, mais un droit naturel. En se rendant massivement aux urnes, les Guinéens ont montré un sens civique et une maturité d'esprit que certains « observateurs », notamment occidentaux ne soupçonnaient pas. On ne peut nier une forme de vote ethnique. Mais celui qui réduirait le vote de nos concitoyens à l'expression d'une pulsion ethnique serait également dans l'erreur. Au demeurant, ils ont envoyé M. SIDYA TOURE, un DIAKHANKE (vraisemblablement la plus petite minorité ethnique de la Guinée) au deuxième tour.
De fait, ils balaient ainsi l'argument, maintes fois entendu selon lequel, le reflexe ethnique était le moteur exclusif qui guiderait le choix politique des citoyens Africains, et ici des Guinéens. Pourquoi donc ce divorce flagrant entre la réalité des urnes et les proclamations télévisées faites par MM. SEKOUBA KONATE et Ben SEKOU SYLLA, tous deux appartenant à la même région, et à la même ethnie ? A noter qu'une proclamation télévisée n'est ni une vérité, ni un fait de droit. Elle vise simplement par son effet spectaculaire, à intimider le téléspectateur profane qui a tendance à croire que ce qui est dit, ou vu à la télévision est nécessairement vrai. Et dans notre pays, les citoyens habitués à subir passivement l'arbitraire, sont facilement intimidables. En apparence, ils (Sékouba et ben Sékou SYLLA) ne sont pas tribalistes. Les en soupçonner, serait leur faire un procès en sorcellerie que rien ne justifie. En tous les cas, je ne suivrais personne sur ce sentier. Néanmoins, nombre de doutes et interrogations subsistent. Et il faut bien les examiner, avec lucidité, honnêteté, mais sans complaisance inutile. N'étant pas juriste, je ne me lancerais pas dans un débat juridique, à mon avis inopportun à ce stade. Car, selon moi, nous sommes ici dans un champ politique, où les arguments de droit sont certes utiles, mais inconsistants en l'absence de légitimité politique. Or, seul le peuple, par la voie des urnes confère cette indispensable légitimité.
C'est précisément ce que les présidents de la transition et de la C.E.N.I. ont contrarié par la falsification intéressée des résultats sortis des urnes. Il semblerait bien que M. Cellou Dalein DIALLO est arrivé en tête avec 33% des voix, suivi de M. SIDYA TOURE (27%), M. Alpha CONDE (17%), M. Lansinè KOUYATE (9%) .A la dernière minute, aux alentours de 23 heures, avec un air totalement décomposé, le président de la C.E.N.I. proclame des chiffres, autres que ceux sortis des urnes. D'où la stupeur visible des invités présents au palais du peuple ce jour-là. On ne sait toujours pas quelle est l'origine de ces chiffres. Fait troublant : aussitôt le forfait commis, le président de la C.E.N.I., prétextant une maladie vraie ou supposée, s'envole pour un pays occidental, peut être la France ou les U.S.A. A proprement parler, on ne peut parler de fraude. Car la fraude suppose une soustraction discrète d'un bien appartenant à autrui.
Nous sommes ici dans le cas précis de ce qu'il faut bien appeler une captation désinvolte de voix, suivie d'une inversion de résultat sorti des urnes au profit d'un candidat appartenant à la même ethnie que le président de la transition et le président de la C.E.N.I.. Il n'est pas aisé de trouver une explication rationnelle avouable à ce terrible hiatus créé entre le vote exprimé par les citoyens et les résultats proclamés par MM. Sékouba KONATE et Ben Sékou SYLLA, respectivement président de la transition et de la C.E.N.I. De mon point de vue, l'explication ethnique est insuffisante. L'un et l'autre ne sont pas des tribalistes acharnés. La gravité des risques qu'ils ont pris en décidant de falsifier les résultats électoraux aux dépens d'un candidat, et au profit des deux premiers, ne s'accommode pas d'une explication simpliste. Il y a d'autres raisons, peut être plus sérieuses.
La première raison selon moi, est d'ordre financier. Le président de la transition et celui de la C.E.N.I. ne sont pas forcément des modèles de vertu civique. C'est de notoriété publique qu'ils ne sont pas insensibles aux attraits de quelques dollars ou euros. Cinq ou six commerçants contrebandiers notoires, fraudeurs de douane, enrichis par le pillage de notre pays, sont disposés à payer, pour que leur « protégé » ne soit opposé au second tour qu'à un candidat qu'ils estiment facile à battre. A leurs yeux, M. Alpha CONDE serait celui-là. Grave erreur. Car, M. CONDE est un homme politique expérimenté, intelligent, incisif dans le débat. Il ne manque pas d'atout. Homme de conviction, il est insoupçonnable sur le terrain de la probité face à la chose publique. C'est ce que souhaitent nos compatriotes. Sur ce terrain, il a un avantage indiscutable. Ce n'est pas le cas de l'autre candidat. J'ai combattu l'appartenance communiste de M. Alpha CONDE, mais cela ne me conduira en aucun cas à nier ses qualités. Les jours précédant la proclamation des résultats, le président intérimaire de la transition, M. Sékouba KONATE a été d'une grande assiduité au domicile d'un commerçant à la réputation sulfureuse, en l'occurrence M. DIALLO SADAKADJI. Or, ce dernier est un des membres actifs des réseaux ethniques auxquels les Biens Nationaux ont été attribués, sans contrepartie connue. En tout état de cause, on ne voit pas quelles raisons impérieuses d'Etat pousseraient un Président, même intérimaire, à une telle assiduité nocturne auprès d'un commerçant peu recommandable, à une période si délicate de l'histoire de notre pays. Peut être, faut-il admettre que la prodigalité en dollars et euros d'association ethnique de commerçants fraudeurs, n'est pas étrangère à l'infortune électorale de M. SIDYA TOURE. Comme quoi, auprès de MM. Sékouba KONATE et Ben Sékou SYLLA, le suffrage des citoyens, a moins d'importance que les comptes bancaires approvisionnés par une oligarchie commerçante dangereuse pour la cohésion sociale et ethnique du pays.
La deuxième raison pourrait bien être « ethnique ». Les femmes et jeunes de KALOUM avaient semblé percevoir derrière ce vol électoral, un mobile, s'apparentant à une certaine solidarité ethnique implicite. En effet, d'après certaines informations en ma possession, lors de son retour du sommet de NICE, notre nouveau général d'armée aurait fait un voyage rapide et discret à KANKAN, convoqué par des « sages » du Mandé, aux fins de réconciliation. La médiation traditionnelle parait avoir fonctionné, malheureusement contre SIDYA. Toutefois, il serait souhaitable de ne pas se tromper. M. Alpha CONDE n'a pas fraudé. On peut même admettre qu'il n'a rien demandé ni à M. Ben Sékou SYLLA, ni à son « fiston »Sékouba KONATE. Ils ont tous les deux exercé ce qu'il faut bien appeler une solidarité ethnique au profit d'un des leurs, et au détriment de celui qui a eu la mauvaise idée d'être d'une petite minorité ethnique.
Alors, se pose la question de savoir qu'est ce qui justifie, depuis deux jours, ce déferlement haineux et vindicatif des prétendues institutions républicaines contre M. SIDYA TOURE ? Y aurait-il un délit d'appartenance à une petite minorité ethnique ? Un parti politique dont on a volé les voix doit-il s'agenouiller devant ses voleurs ? Nous sommes désormais au cœur d'une question centrale : la dérive autoritaire et tyrannique de M. Sékouba KONATE. Le chantage permanent à la démission est une manœuvre visant à cacher les immenses détournements et à mobiliser autour de lui, les personnalités et organisations fantômes attendant quelques prébendes, qui ont peut être été déjà versées. Par ailleurs, il y a un autre général plus ancien dans le grade. C'est le général TOTO. Il est le N°2 du CNDD. Pourquoi a-t-il toujours été marginalisé ? Son appartenance ethnique, il est Soussou de la Basse-Côte, n'est-elle pas une des explications possibles ? Sékouba KONATE n'est ni indispensable, ni même utile à la tête de la Guinée. Son départ serait tout bénéfice pour la bonne conduite des affaires du pays. Désormais, son maintien à la tête est plus un problème qu'une solution.
Je le dis d'autant plus aisément que j'ai été de ceux qui lui ont apporté leur soutien. J'avais à l'époque précisé que s'il m'apparaissait qu'il faisait autre chose que ce pour quoi, je lui manifestais mon soutien (qu'il ne demandait d'ailleurs pas), je le ferais savoir. Et bien, ce moment est arrivé. Le « général » Sékouba KONATE est désormais nuisible à la tête de notre pays. Le laisser continuer par démagogie ou lâcheté, c'est préparer des lendemains douloureux pour nos compatriotes. Il aurait pu être très GRAND. Il semble avoir préféré des comptes bancaires bien garnis. Et ces hordes infâmes qui défilent à la télévision pour le supplier de rester, se moquent de la Nation, ou défendent des intérêts totalement étrangers à ceux de nos concitoyens les plus humbles.
Sommes-nous revenus aux tristes temps de la Révolution où les enfants ou épouses de victimes venaient prêter, sous contrainte, fidélité au bourreau de leurs pères et époux ? En effet, qu'a-t-on vu le 6 juillet dernier à la Télévision ? Mme RABIATOU SERA DIALLO présidente du C.N.T. et M. NOUHOU THIAM chef d'Etat Major des armées, incitant implicitement de concert, à un meurtre contre SIDYA TOURE. Dans un mouvement de menton ridicule et sur un ton martial, notre fameux chef d'état major promet de cueillir les militants de l'U.F.R., s'ils exigeaient la restitution de ce que le général Sékouba KONATE leur a volé.
Question aux vrais officiers républicains : Trouvez-vous normal qu'un militaire, de surcroit chef d'Etat Major de l'armée de toute la Nation, se comporte en militant politique comme le fait M. NOUHOU THIAM ? En menaçant un chef de parti, il sort du cadre de l'armée pour se mettre au service d'un individu ou d'un parti politique. Quelle est la crédibilité républicaine d'une armée dont le chef d'Etat Major promet d'embastiller tous ceux qui ne sont pas d'accord avec le parti politique qu'il soutient ? Puisque M. NOUHOU THIAM est entré en politique, en se comportant en milicien, les vrais officiers républicains devraient exiger son renvoi de l'armée. Devenu le concurrent clandestin d'homme politique, il n'est plus qu'un infâme militaire. Tant que des individus du genre de NOUHOU THIAM seront dans l'armée guinéenne, sa réforme restera un leurre. Il faut se souvenir que le capitaine Moussa DADIS CAMARA a été mené en bateau par son « ami » Sékouba KONATE.
En effet, le capitaine ne peut être tenu pour seul responsable des massacres du stade du 28 Septembre. Le « général » Sékouba KONATE était un des artisans actifs de ces tueries, même s'il présente l'alibi irrecevable de n'avoir pas été physiquement présent à Conakry ce jour-là. Au demeurant, chacun comprend qu'un massacre d'une telle envergure ne s'improvise pas. Il est préparé. Et il est invraisemblable que le capitaine DADIS ait pris seul cette décision. Le capitaine DADIS CAMARA a peut être été victime de sa loyauté. Question : le « général » KONATE compte-t-il rééditer contre M. SIDYA, les coups tordus réussis contre le naïf capitaine Moussa Dadis CAMARA ?
Mamadou Billo SY SAVANE à Conakry.
Mon contact : mamadoulinsan@wanadoo.fr
NB : Je suis tout disposé à être « cueilli » par le milicien politique, NOUHOU THIAM, accessoirement chef d'Etat Major de l'armée.