I. PRÉSENTATION DU TRAITÉ OHADA :
1.1. Définition :
L’OHADA, « c’est un outil juridique imaginé et réalisé par l’Afrique pour servir l’intégration économique et la croissance »
L’OHADA est le droit le plus ambitieux que l’Afrique n’a jamais connu depuis les indépendances. Ce traité régional signé à Port louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993, regroupe aujourd'hui les 14 pays de la Zone franc CFA, plus les Comores et la Guinée Conakry; elle est ouverte à tout Etat du continent africain. Son Secrétariat permanent est à Yaoundé (Cameroun).
Il est ratifié par la République de Guinée le 5 mai 2000, dépôt de l’instrument de ratification le 22 septembre 2000 et l’entré en vigueur le 21 novembre 2000.
1.2. Objectifs :
L'unification du Droit des Affaires est sans nul doute l'un des points les plus importants concernant les investisseurs et les entreprises.
En revenant aux années 60 et 90, l'insécurité juridique des affaires constituait l'un des freins principaux au développement de l'investissement en Afrique, notamment pour l'investissement étranger. Elle s'expliquait par la vétusté, dans certains Etats, des textes juridiques en vigueur, ainsi que par la difficulté à connaître, dans un cas déterminé, la norme de droit applicable. En ce qui concerne l'insécurité judiciaire, elle avait notamment pour source le manque de compétence des professionnels du droit, tant en droit qu'en matière de déontologie.
Le Traité de l'OHADA , entré en vigueur en septembre 1995, a pour objectif de « garantir la sécurité juridique et judiciaire au sein de ses pays membres, favorisant ainsi le retour des investisseurs, nationaux ou étrangers ».
1.3. Les Règles communes (Actes Uniformes) :
Sont entrés en vigueur les Actes Uniformes concernant :
· Acte uniforme relatif au droit commercial général ;
· Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ;
· Acte uniforme portant organisation des sûretés ;
· Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;
· Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ;
· Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage dans le cadre du traité OHADA ;
· Acte uniforme relatif au droit comptable ;
· Acte uniforme sur le contrat de transport de marchandises par route.
Le prochain Acte Uniforme qui sera adopté et qui est actuellement mis en chantier sera celui relatif au droit du travail.
Un autre chantier d'harmonisation va commencer de manière imminente : il s'agit de l'harmonisation du droit des contrats.
1.4. Les pouvoirs de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA)
La CCJA donne un avis préalable à l'adoption des Actes Uniformes et tranche des différends entre les Etats quant à l'interprétation ou l'application du Traité.
En outre, la CCJA:
· est compétente pour toutes les questions relatives à l'application des Actes Uniformes, à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales ;
· est une Cour de cassation, se prononçant sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats ou sur les décisions non susceptibles d'appel, avec la particularité de statuer au fond sans renvoi devant une autre juridiction ;
· peut être saisie directement par l'une des parties à une instance devant une juridiction nationale ou sur renvoi d'une juridiction nationale statuant en cassation ;
· organise l'arbitrage mais n'arbitre pas elle même. Elle nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l'arbitrage et examine les projets de sentence ;
· peut prendre une décision d'exequatur pour l'exécution forcée d'une sentence arbitrale rendue dans un Etat.
II. CONTENTIEUX DU DROIT UNIFORME:
Le Traité organise deux voies de règlement des litiges:
2.1- La voie judiciaire
- Les fonctions contentieuses de la CCJA :
La CCJA est juge de cassation pour tout différend relatif au droit uniforme. Les juridictions nationales connaissent, en première instance et en appel, des différends relatifs à l’application des Actes Uniformes.
La Cour est saisie par voie de recours en cassation des arrêts d’appel des juridictions nationales « à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales ». Elle est saisie « soit directement par une des parties à l’instance soit sur renvoi d’une juridiction nationale ». Cette saisine suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale à l’exception des procédures d’exécution.
La CCJA peut également être saisie par le Gouvernement d’un Etat, partie ou par le Conseil des Ministres de l’OHADA.
La procédure devant la CCJA est contradictoire et essentiellement écrite ; les audiences sont publiques et le ministère d’un Avocat est obligatoire. Lorsque la Cour est saisie, « le Président désigne un juge rapporteur chargé de suivre l’instruction de l’affaire et de faire rapport à la Cour »
Les décisions de la CCJA ont l'autorité de la chose jugée et de la force obligatoire à dater de leur prononcé. Ces Arrêts sont susceptibles d’exécution forcée sur le territoire de chacun des Etats-parties suivant les règles de procédure civile applicables dans l’Etat concerné. Ainsi, les décisions de la CCJA sont assimilées à celles des juridictions nationales avec toutes les conséquences liées à cette assimilation.
Dans chaque Etat partie la formule exécutoire est apposée sur les Arrêts de la CCJA, après contrôle de l’authenticité du titre, par une autorité désignée par le Gouvernement de l’Etat concerné.
Toutefois, des voies de recours extraordinaires peuvent être exercé contre les Arrêts de la CCJA ; il s’agit de la tierce-opposition, de la demande d’interprétation du dispositif de l’Arrêt ou encore de la demande en révision d’un Arrêt.
- Les fonctions consultatives de la CCJA :
L’article 14 alinéa 2 du Traité pose le principe du rôle consultatif de la Cour. A cet égard, la CCJA est compétente pour :
Donner un avis sur les projets d’Actes Uniformes avant leur présentation au Conseil des Ministres ;
Interpréter et veiller à l’application des règles communes (Actes Uniformes) dans les Etats parties ;
Interpréter le Traité, les Règlements pris pour son application, et les Actes Uniformes.
2.2- La voie de l'arbitrage:
Le traité OHADA fait de l'arbitrage l'instrument majeur du règlement des différends contractuels.
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage ne tranche pas elle même les différends. Elle nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l'instance et examine les projets de sentences, mais ne peut proposer que des modifications de pure forme.
Les sentences arbitrales rendues ont l'autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat-partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l'État. Elles peuvent faire l'objet d'une exécution forcée en vertu d'une décision d'exequatur.
III. CONTENTIEUX FISCAL:
Le contentieux fiscal, terme générique, désigne à la fois :
- la juridiction contentieuse ;
- la juridiction gracieuse ;
- les décisions de dégrèvement ou de restitution d'office.
La réclamation préalable constitue la première phase de la juridiction contentieuse.
A ce titre, elle doit être distinguée des demandes gracieuses et des décisions de dégrèvement ou de restitution d'office.
3.1. La juridiction contentieuse
Les réclamations présentées par les contribuables ou leurs mandataires dûment crédités, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu’elles tendent à obtenir :
- soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions ;
- soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire.
De même, sont instruites selon les règles de cette juridiction, les demandes fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure.
La réclamation préalable auprès du service des impôts constitue la première phase de cette juridiction, dite phase administrative ; elle peut être suivie, le cas échéant, d'une seconde phase dite phase juridictionnelle lorsque le litige est portée devant le juge de l'impôt.
Dès lors qu'elle remplit les conditions de forme et de délai requises par la loi, la réclamation présentée par le contribuable l'exercice d'un droit dont les effets tant à l'administration qu'à l'intéresse.
Selon le cas, elle tend à obtenir :
une décharge : contestation de la totalité de l'imposition ;
une réduction : contestation partielle de l'impôt ;
une restitution : impôts versés sans émission préalable d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement ou versements effectués par les personnes physiques ou morales tenues d'opérer certaines retenues à la source ;
une mutation de cote : transfert de la contribution foncière unique à la charge du redevable réel ou une inscription au rôle;
ou le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée.
3.2. Les demandes gracieuses et les décisions de dégrèvement ou de restitution d'office
Les demandes gracieuses
Les demandes présentées par les contribuables ou leurs mandataires, relèvent de la juridiction gracieuse lorsqu'elles tendent à obtenir une mesure de bienveillance.
De même, sont du ressort de cette juridiction, les demandes de transactions, de décharge de responsabilité des personnes tenues au paiement d'impositions dues par un débiteur dont elles sont solidaires.
Les décisions de dégrèvement ou de restitution d'office
L'administration est autorisée, sous certaines conditions, à prendre, à sa propre initiative ou à la suite d'une réclamation du contribuable forclose ou entachée d'un vice forme la rendant définitivement irrecevable, des décisions de nature à réparer, toute matière fiscale, les erreurs d'imposition commises au préjudice de ce dernier.
3.3. La phase juridictionnelle
Dans la plupart des pays du monde, en cas de décision totalement ou partiellement défavorable, ou de saisie d'office par l'administration, le litige est porté devant le juge de l'impôt.
Ce juge est soit le juge administratif s'agissant d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, soit le juge judiciaire s'agissant de droits d'enregistrement, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions.
Le juge de première instance est soit le tribunal administratif soit le tribunal de grande instance. Le juge d'appel est soit la commission administrative d’appel soit la cour d'appel. Enfin, le juge de cassation est soit le Conseil d'Etat soit la Cour de cassation.
Devant ces juridictions, la procédure est écrite, contradictoire et conduit par le tribunal lui-même. Il est signalé que les services d'un avocat ne sont pas nécessaires devant le tribunal administratif.
3.4. La pratique guinéenne en matière de contentieux fiscal
En Guinée, les contribuables qui contestent tout ou partie du montant de l’impôt mis à leur charge doivent adresser leurs réclamations au Directeur National des Impôts dans le mois qui suit la mise en recouvrement.
Après instruction, il est statué sur ces réclamations par le Ministre chargé des finances ou la personne déléguée par lui à cet effet, conformément aux dispositions du règlement général de la comptabilité publique, sans préjudice pour les contribuables requérants du droit de saisir le tribunal compétent dans le délai d’un mois suivant la date de notification de la décision de l’administration.
A défaut de réponse de l’Administration fiscale dans le délai de six mois suivant la date de réclamation, les contribuables requérants peuvent introduire une demande devant le tribunal compétent dans le délai d’un mois suivant l’expiration du délai de réponse.
Pour les contribuables non résidents, le délai de saisine du tribunal compétent est porté à deux mois.
Compensation
Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition, l’Administration fiscale peut au cours de l’instruction de cette demande opposer à l’intéressé toute compensation entre les dégrèvements justifiés et les droits dont ce contribuable peut être encore redevable en raison d’insuffisances ou d’omissions non contestées, constatées dans l’assiette ou le calcul de ses impositions non atteintes par la prescription.
En cas de contestation par le contribuable du montant des droits afférents à une insuffisance ou une omission, l’administration fiscale accorde le dégrèvement et engage la procédure de redressement prévue à l’article 255 ci-dessus.
La commission d’appel fiscal (CAF)
- Compétence de la commission
La commission d’appel fiscal est chargée d’examiner les différends entre la Direction Nationale des Impôts et les entreprises. Elle est présidée par un magistrat désigné par le Président de la Cour Suprême choisi pour ses compétences en matière fiscales. Elle comprend en outre : un membre désigné par le Ministre de l’Economie et des Finances, le Directeur National des Impôts qui peut se faire représenter par le Directeur National adjoint ou le Chef du Service des grandes entreprises, un agent de la DNI désigné par le Directeur National ayant au moins rang de chef de division, deux membres désignés par le Président de la Chambre de commerce et d’industrie, un membre désigné par le Président de l’ordre des experts comptables.
En cas de partage des suffrages, la voix du Président est prépondérante. Un agent de la DNI remplit les fonctions de secrétaire de commission avec voix consultative.
La CAF intervient en cas de désaccord concernant les mises en recouvrement par voie d’avis de mise en recouvrement concernant les impôts suivants : TVA, taxe sur les contrats d’assurance, taxe sur les activités financières, impôt sur les sociétés.
La Commission n’est pas compétente en matière de procédures fiscales ou de pénalités.
- Procédure de saisine de la commission.
La commission peut être saisie par le Directeur National des Impôts ou par l’entreprise destinataire d’un AMR. La saisine doit s’effectuer : par lettre du Directeur National des Impôts au Président de la Commission, par lettre du représentant légal de l’entreprise au DNI qui, après vérification que les conditions de saisine sont remplies, en informe le Président de la commission.
La saisine de la Commission ne suspend pas l’action en recouvrement.
La commission d’appel fiscal siège au minimum une fois par mois. La liste des affaires soumises à la commission et la date de la séance sont établies conjointement par le Président et le Directeur National des Impôts. Les membres de la Commission et les entreprises concernées sont convoqués par le Secrétaire au moins deux semaines avant la date prévue. En l’absence du Président, la fonction est assurée par le Directeur National des Impôts ou son représentant. La Commission siège valablement, même en l’absence d’un ou plusieurs de ses membres.
La Commission, après avoir entendu à huis clos et de façon contradictoire le représentant de l’entreprise et du service de la DNI à l’origine des impositions contestées, émet un avis sur le bien fondé légal des impositions. L’avis, signé par le Président de la Commission, est notifié à l’entreprise par le secrétaire.
Effets des avis de la Commission :
L’avis de la CAF a pour effet de mettre la preuve, en cas de contentieux, à la charge de l’entreprise si les impositions contestées sont supérieure à celles résultant de l’avis de la Commission.
Procédure de saisie mobilière et de confiscation
Le Directeur National des Impôts est habilité à faire procéder par les services du recouvrement à la saisie des biens meubles corporels d’une entreprise ou à la confiscation de véhicules lui appartenant ou appartenant à son dirigeant de droit ou de fait. Les conditions suivantes doivent être remplies : la créance de l’Etat doit concerner les impôts relevant de la compétence de la CAF,
Le montant total des impôts et pénalités impayées doit être supérieur à 50 000 000 GNF ;
La CAF doit avoir rendu un avis favorable à l’administration pour un montant total supérieur à 30 000 000 GNF ;
La saisie ne peut intervenir qu’après un délai de deux semaines à compter de la notification de l’avis de la CAF.
La saisie s’opère selon les modalités prévues par les textes en vigueur. La confiscation des véhicules est ordonnée par le Directeur National des Impôts. Elle est précédée d’une saisie conservatoire et le véhicule ne devient la propriété de l’Etat si l’entreprise ne s’est pas acquittée de sa dette dans un délai de deux semaines après la saisie.(art.15 à 24 LFR 97, art. 38 à 41 LF 98).
En matière de législation fiscale, le Traité OHADA pour le moment laisse le choix aux Etats parties compte tenu des besoins budgétaires propres à chaque Etat membre.